LE REMARQUABLE RETABLE DE L'ÉGLISE SAINTE MARIE-MADELEINE DE MAIGNELAY sculpté au XVIe siècle par l'artisan flamand Jacob van Cotthen

A la fin de l'année 2000 ce retable, vandalisé en 1973, a fait curieusement l'objet de deux études et d'informations inédites venues de sources des plus réputées: de chercheurs de la Belgique flamande, d'une part, et d'un secteur international spécialisé de l'Unesco, celui de la protection du patrimoine!... Toutes les données nouvelles ainsi recueillies à l'époque, relatives à ce retable, se sont trouvées ensuite en partie réunies, pour ne pas être oubliées, dans le Bulletin de la Société historique n°9 publié en novembre 2000. C'est donc à ce Bulletin qu'il est fait ici souvent référence.

 

LE RETABLE DE MAIGNELAY ET l'UNESCO

 

Un peu par hasard, l'auteur de ces lignes, s'est trouvé en septembre 2000 à l'Unesco, proche d'un collègue du Conseil international des Musées ("ICOM " en anglais) lui signalant qu'un magnifique trésor sculpté du XVIème siècle avait été vandalisé et pillé en 1973 dans l'Oise, à Maignelay!

 

A sa grande stupéfaction le nom de l'église de Maignelay, monument classé, figurait déjà dans le répertoire des biens culturels dévastés, avec son retable détruit... D'où cette lettre de l'Unesco reçue par la Société historique en septembre 2000 et précisant que "l'ICOM, dans le cadre de la lutte contre le trafic des biens culturels, préparait un quatrième volume consacré spécialement cette fois au pillage d'objets religieux en Europe.

 

"Ce futur ouvrage, issu du travail de conservateurs de musées et des services de protection du patrimoine, présentera la situation de quatre pays d'Europe plus particulièrement touchés par les vols dans les églises et les monuments: la France, la Hongrie, l'Italie et la République tchèque. Cette publication comportera une série de descriptions et de photographies représentant les grandes catégories d'objets volés... Lors des recherches iconographiques que j'ai effectuées, poursuit l'auteur de la lettre, Aurélien Gaborit de l'Unesco, je suis tombé sur deux clichés découverts dans une publication du GEMOB1. Il s'agissait du grand retable de Maignelay qui a été littéralement dépecé de ses éléments sculptés en 1973... et l'image est d'autant plus saisissante que l'autre photographie montre le magnifique retable tel qu'il était au XIXème siècle.

 

De ce fait la photographie du retable de Maignelay, saccagé illustrera donc parfaitement le propos de l'ouvrage car elle est assez forte pour sensibiliser le public et les professionnels au problème du pillage dans les églises et autres monuments et elle sera même utilisée aussi pour la couverture de notre prochain ouvrag car elle montrera les conséquences du vol et incitera ainsi tout acheteur d'objets religieux à s'interroger sur la provenance de ce qui est offert à la vente...

 

Éventuellement j'envisage de me rendre dans l'église et d'y faire faire des prises de vue afin d'avoir plusieurs choix d'illustrations...Vos coordonnées m'ont été communiquées par la maire de Maignelay et M. Hervé Grandsart (proche du Musée du Louvre).

 

N.B Les prises de vue ont effectivement eu lieu en ma présence et ont été réalisées dans l'église par toute une équipe de spécialistes venus de l'Unesco et qui passèrent toute l'après- midi à brancher et éclairer le retable puis à essayer différents angles de prise de vues...

 

Pour ce nouvel ouvrage consacré à l'Europe, l'actuel retable de Maignelay, dont la reproduction figure sur la page de couverture du Bulletin de l'ICOM, diffusé dans le monde, constituera une bonne illustration des risques encourus, plus spécialement dans nos pays d'Europe, par notre patrimoine religieux.

 

LE RETABLE DE MAIGNELAY ET LA BELGIQUE FLAMANDE

 

En effet, et fort curieusement en cette même année 2000 l'étude du retable de l'église Sainte Marie-Madeleine n'était pas terminée, et heureusement!...

 

Il s'était agi en effet pendant des années d'essayer de trouver l'origine de ce retable et son auteur mais ce ne fut pas toujours facile! Si pendant longtemps les Flandres se spécialisèrent dans ce genre de magnifiques sculptures religieuses on supposa donc que notre retable était d'origine flamande, et ce d'autant plus que les nouveaux seigneurs du château de Maignelay, à partir de 1498, les d'Halluin étaient issus d'une noble famille originaire des Flandres! Et puis, à l'époque les sculptures religieuses flamandes se répondaient aussi dans une partie importante de l'Europe.

 

Cependant, par la suite nos historiens locaux, à partir du XIXème siècle découvrirent que des ateliers de sculptures religieuses, y compris de retables, avaient été répertoriés su place dans le Beauvaisis.... Alors que penser des origines de notre retable?...

 

Jusqu'à un jour de septembre 2000 où, une correspondance venue de Belgique et adressée au Maire de Maignelay d'alors, Mme Girardeau, nous apprit enfin que notre retable avait bien un auteur et était l'œuvre d'un sculpteur flamand connu du XVIème siècle, qui s'appelait un lait Jacob van Cotthen, d'Anvers!...

 

"Grâce à nos longues recherches généalogiques, poursuit Jean Van Cotthen dans sa lettre du 13 septembre 2000, nous avons découvert qu'un de nos homonymes fort ancien était le sculpteur en bois Jacques Van Cotthen qui, au début du XVIème siècle, possédait un atelier de manufacture de retables à Anvers... Et puis nous avons même eu ensuite la chance de retrouver quelques unes de ses œuvres, aussi bien en Belgique qu'à l'étranger... Enfins, par l'intermédiaire de l'Université de Louvain-la-Neuve nous avons enfin été informés que dans l'une de vos églises doit se trouver un retable de la main de Jacques Van Cotthen!... Bien sûr nous serions heureux si vous pouviez nous renseigner au sujet de ce retable2...

 

Puis dans une autre correspondance du 11 octobre 2000 Jean Van Cotthen précise que "grâce à nos recherches archéologiques nous avons pu retrouver les œuvres de notre ancêtre au Musée "Vleeshuis"' à Anvers, à Opitter au Limbourg, à Aldenhoven en Allemagne, à Utrecht au Pays-Bas et récemment, grâce au concours de l'Université Louvain, à Maignelay, en France et à Burgos, en Espagne... Il est intéressant de constater que l'Université Louvain mentionne, sans aucun l'ombre d'un doute, le retable de Maignelay comme étant de la main de Jacob Van Cotthen!

 

Et l'auteur de la lettre de poursuivre: " quand nous avons visité le retable du "Musée Vleeshuis" nous avons retrouvé la marque du sculpteur: "l'impression d'une main (aux doigts allongés) se trouvant sur le bord du retable. La main est le symbole légendaire de la ville d'Anvers et c'est aussi la signature de Jacob van Cotthen, suivi d'un "château fort" marque d'un autre atelier anversois3...

 

... Enfin dernier argument en faveur de l'auteur de votre retable, c'est la ressemblance frappante du retable de Maignelay avec celui d'Aldenhoven, en Allemagne. Vous pourrez en juger vous-même par la photo que je vous joins. Malheureusement le retable d'Aldenhoven a été détruit pendant la guerre 1914-18!

 

En conclusion donc le Retable de Sainte Marie-Madeleine, s'il reste assez peu connu du grand public, y compris sur place, ne passe pourtant pas inaperçu auprès des meilleurs spécialistes du XVIème siècle et l'on constate enfin qu'il fait non seulement partie des références d'instances nationales et internationales, du Louvre jusqu'à l'Unesco mais aussi des meilleurs spécialistes d'un certain nombre de pays d'Europe !

 

Michel Bourgeois août 2017

 

1 Le GEMOB, groupe de recherche historique du Beauvaisis, est alors dirigé par le professeur d'histoire Bonnet-Laborderie (maintenant décédé) qui est effectivement venu à plusieurs reprises à Maignelay et ses environs et qui a publié de nombreuses études sur le passé de notre département de l'Oise.

Quant à Hervé Grandsart, historien d'art et proche du Musée du Louvre, il est bon connaisseur de notre histoire locale et est venu revoir l'église de Maignelay en juillet 2000 en s'intéressant tout spécialement cette fois aux deux statues en marbre blanc du Maître-autel. Après avoir consulté tout spécialement, précise-t-il le Conservateur général des sculptures du Musée du Louvre, René Gaborit, il est donc en mesure de confirmer l'intérêt particulier et même l'origine italienne (XVIème siècle) de ces deux sculptures, l'une représentant Sainte Marie-Madeleine et l'autre, plus exceptionnelle encore, Saint-Jean-Baptiste (correspondance du 5 juillet 2000).

2 De nombreuses correspondances ont alors été échangées entre la Société historique et la famille Van Cotthen, en attendant la visite de l'église et du retable de Maignelay par ses descendants, ce qui serait un grand moment mais n'a pas encore été concrétisé malheureusement...

 

3 A la suite de cette information, la Société historique a essayé de repérer la marque de Jacob van Cotthen, sans succès mais sans trop insister. Cette recherche devrait donc pouvoir être reprise!

Non seulement, à la suite de ces informations si précises il n'y a maintenant aucun doute que le retable de Maignelay est d'origine flamande mais qu'il a même certainement été une commande de Louis d'Halluin, seigneur de Maignelay et lui-même issu d'une noble famille flamande... dont les descendants deviendront Ducs et Pairs de France depuis leur château de Maignelay.

Bâtisseur de l'église de Maignelay, dès son arrivée chez nous, Louis d'Halluin avait même voulu faire du chœur de l'église le sanctuaire privé de la famille d'Halluin (chœur alors séparé de la nef par un jubé). Et l'on sait enfin qu'il avait fait installer ce célèbre retable au-dessus du Maître-autel, où il resta jusqu'à la Révolution. Mais ce retable obscurcissait cette partie de l'église. D'où son transfert par la suite au-dessus de l'autel de la Passion;

Enfin, dernière précision, les descendants de la famille d'Halluin ont été en partie enterrés dans cette même église jusqu'à la fin du XVIIIème siècle, dans le chœur et devant l'autel de la Vierge. (M. B)