BREF APERCU SUR L'HISTOIRE DE MAIGNELAY ET DES TROIS GRANDES FAILLES AYANT HABITE SON CHATEAU

Les douves du Château (photo DD)
Les douves du Château (photo DD)

A l’origine Maignelay, petite agglomération de quelques dizaines de foyers seulement, était surtout connue comme « place fortifiée », dès le XIIe siècle. C’est la famille de Maignelay, dite parfois « Tristan » qui occupa le château-fort et qui régna sur la plupart des villages et terres du canton pendant environ trois cents ans. En revanche Montigny, village plus important de quelques centaines de foyers, s’était déjà organisé en « commune » au Moyen-Âge grâce à une charte royale octroyée dès 1155.

I. Les MAIGNELAY dits « TRISTAN », premiers seigneurs de Maignelay au Moyen- Âge, du XIIème au XVème siècle.

On sait que Pierre « Tristan » de Maignelay protégea le roi Philippe-Auguste à la bataille de Bouvines en 1214. Raoul de Maignelay deviendra Gouverneur de Picardie. 

Au XIVème siècle, Jean de Maignelay épouse Isabeau de Wace, de Montigny et réalise ainsi la première fusion des deux anciens villages de Maignelay et Montigny, exactement en 1347 (la dernière fusion aura lieu en 1971 soit 660 ans plus tard). C'est de l’époque de ces premiers seigneurs de Maignelay, dits Tristan, que datent la tour et le fossé que nous avons conservés, seuls vestiges de cette famille. Cette forteresse, décrite bien des années plus tard, avait des murs épais de 5 pieds et était flanquée de huit tours entourées de fossés. La plus haute, appelée Judith, avait 10m de côté. Actuellement il n’en reste plus qu’une seule!

Alors qu'au cours des ans, la lignée masculine des seigneurs de Maignelay voit son rôle se réduire au point de devoir vendre son château, la branche féminine en revanche accroît son influence et se fait un nom grâce à la position de « favorites » qu’occuperont à la cour du Roi Charles VII Agnès Sorel, fille de Catherine de Maignelay et sa cousine germaine, Antoinette de Maignelay, fille de Jean II « Tristan » de Maignelay.

A partir des XVème/XVIème siècles une autre famille seigneuriale se fixe à Maignelay, les Tristan (d’où parfois une certaine confusion avec les précédents) qui habiteront le petit château Saint-Amand jusqu’à la Révolution. Ces Tristan deviendront seigneurs de Saint-Amand et leur château, détruit en 1920 fera place à l’actuel terrain de sport.

De cette famille il reste une pierre tombale dressée dans l’église Sainte Marie-Madeleine, près des fonds baptismaux.

II. Les d'HALLUIN, seigneurs…marquis de Maignelay et de Piennes, puis Ducs et Pairs de France, du XVème au XVIIIème siècle (de 1498 à 1743).

A partir de 1498, le château-fort de Maignelay est racheté par la prestigieuse famille d'Halluin, originaire de Flandre, laquelle fut d’abord au service des Ducs de Bourgogne en lutte contre la monarchie française. Le premier de sa lignée à s'installer à Maignelay est Louis d'Halluin, rallié à la France. C'est probablement le roi Louis XI qui l'encouragea à s'installer à Maignelay, à proximité de la frontière nord du royaume, à mi-chemin des Flandres où Louis d'Halluin avait gardé des relations utiles. 

Louis d'Halluin et ses descendants directs vont rester à Maignelay pendant 250 ans, de 1498 à la mort d'Anne d'Halluin en 1641… puis jusqu’en 1743 par leurs alliances. A Maignelay, les d’Halluin vont renforcer la fonction militaire de la forteresse, au départ fort délabrée, puis faire du château une résidence Renaissance somptueuse de cent mètres de façade, avec décoration d'inspiration italienne... Louis d'Halluin a en effet été maître des cérémonies au sacre du roi Charles VIII à Naples, pendant les guerres d'Italie. A sa mort, en décembre 1519 on lui fera des funérailles grandioses dans l’église de Maignelay, qui dureront deux semaines !

C'est en faveur de Charles d'Halluin, à la quatrième génération, que la terre de Maignelay sera érigée en duché-pairie… de 1587 jusqu'au décès en 1656 du Maréchal de Schomberg,, second époux d'Anne d'Halluin, lequel sera donc le dernier "duc d'Halluin" a avoir séjourné au château de Maignelay...Mais par les lignées féminines héritières des terres et du château, le village de Maignelay continuera à s’appeler Halluin jusqu’en 1743...(A noter que c’est le roi Henri III qui a accepté, en 1587, qu’on débaptisât Maignelay pour permettre à Charles d’Halluin, marquis de Maignelay devenu duc, de faire accéder à la dignité ducale le nom illustre de sa famille mais dont les terres d’origine restaient situées en Flandre, c’est-à-dire à l’étranger ! Aussi, pour faire du duc d’Halluin un vrai duc français, le village et le château de Maignelay seront débaptisés pour s’appeler « Halluin », pratiquement jusqu'à la Révolution.

 

De la période d'Halluin il reste la partie centrale du château avec de belles salles voûtées en sous-sol et une façade élégante décorée de pilastres corinthiens et de frises. Les d’Halluin ont également fait bâtir les églises de Maignelay, Montigny et Ravenel...Tous les villages et les terres des alentours ont dépendu aussi du duché d’Halluin pendant environ 250 ans. [« Montigny, Le Frétoy, Le Tronquois, Vaux, Tricot, Rollot, Coivrel, Royaucourt, Domelien, Mongerin, Godenvillers, Le Plessier sur Fournival, Domfront, le fief de Dont entre Domfront et Rubescourt, Ravenel » (Extraits des archives de Montdidier, Scellier 1759)]

Cependant, à la même époque plusieurs petits fiefs existaient aussi dans la proximité des seigneurs de Maignelay. Outre la seigneurie des Tristan de Saint-Amand, à Maignelay, il existait encore une seigneurie à Montigny assez importante, celle de la famille Scourion qui portait le titre de seigneurs d’Haudiviller... Ce fief s’étendait au XVIIème et XVIIIème siècles sur toute la partie basse de Montigny et constituait « un hameau  de la paroisse de Montigny »... avec son château, ses fermiers, son administration et sa justice seigneuriale. L’actuelle rue d’Audivillers est la seule à en avoir conservé le souvenir ! Les Scourion sont enterrés dans l’église Saint-Martin de Montigny, leur paroisse.

III. Les LA ROCHEFOUCAULD, Ducs de Liancourt et Marquis de Maignelay, aux XVIIIème et XIXème siècles (de 1743 à 1878).

Blason des La Rochefoucauld
Blason des La Rochefoucauld

En 1743 la terre et le château de Maignelay passent entre les mains du Duc de La Rochefoucauld lequel possède déjà le château de Liancourt, à une trentaine de kilomètres. Son petit-fils, le Comte Alexandre de La Rochefoucauld, général d'Empire, résidera à Maignelay après la Révolution et contribuera à la restauration du château, fortement endommagé et en partie détruit durant la période révolutionnaire. En effet, les La Rochefoucauld ayant dû abandonner leurs biens devront, à leur retour d'exil, racheter leur château et toutes leurs terres.

Portrait d'Adelaïde de La Rochefoucauld, par Giovanni CANEVARI
Portrait d'Adelaïde de La Rochefoucauld, par Giovanni CANEVARI

La fille du Comte Alexandre, Adélaïde de La Rochefoucauld, épouse du Prince Borghèse également général d’Empire, sera la dernière occupante du château de Maignelay, jusqu'à sa mort en 1877, terminant ainsi la lignée des trois illustres familles propriétaires successives du château de Maignelay depuis le XIIème siècle.

Photo DD - 2011
Photo DD - 2011

Les La Rochefoucauld ont conservé la partie centrale et ancienne du château et feront construire deux ailes supplémentaires en briques en forme de tours, aux extrémités. La princesse Borghèse, qui réside souvent à Maignelay, veille au bon entretien du château et à l'aménagement du parc et du bois, leur redonnant un certain lustre. Elle fera également aménager et décorer la place communale (actuelle place du Général de Gaulle) la dotant d'une statue de la Madone (réplique des statues de la Villa Borghèse à Rome) et d'un bassin avec jet d'eau alimenté par un aqueduc souterrain depuis les sources de Coivrel. Elle veillera aussi à perpétuer l’exercice du Jeu de paume, qu’elle pratiquait elle-même, instituant un libre usage du Pal Mail par la population de Maignelay tant qu’existera une société locale de paume.

En 1878, le château est vendu à la famille Normand, propriétaire de sucreries dans la Somme, laquelle le revendra vers les années 1960 à différents repreneurs français puis allemands qui le laisseront dans un état de délabrement avancé. La municipalité de Maignelay-Montigny avait lancé sans succès, dans les années 1995, une procédure en justice pour le récupérer. En 2007 le château, toujours à l’abandon, est enfin racheté par la famille Marini qui souhaite le restaurer et en faire un centre hôtelier et de conférences.

Jusqu'à ces dernières années on n’avait jamais pu retrouver le plan ancien de ce château, tant aux Archives nationales que départementales, mais il doit bien exister tout de même quelque part vu son importance dans la formation des frontières nord du royaume!... Avis donc aux chercheurs ! 

A partir des récits et descriptions des historiens, David Kalfon propose ce plan hypothètique du château au XVIème siècle.

Plan publié dans le bulletin n°12 de la SHMM.