ORIGINE DES NOMES DE MAIGNELAY ET DE MONTIGNY

Au-delà de la fusion réalisée en 1971 et de leur long passé commun, les deux anciens villages de Maignelay et de Montigny ont su garder, chacun, une histoire propre de leurs noms.

 

MAIGNELAY, nom à la sonorité curieuse et à la présence unique dans la liste des 36000 communes de France ne dérive pas, contrairement à certaines idées reçues, du nom de sa sainte patronne Marie Madeleine ou d’une forme latine ancienne. Non, sa graphie a évolué au cours des siècles et les formes anciennes de Megnelers (1197) et Meignelers (1200) prouvent en fait que l’on est en présence d’un toponyme d’origine germanique composé de deux éléments :

 

Le second élément, issu du germanique –hlaeri/-lari signifie « espace inculte, clairière » prenant au pluriel la finale –lers. Eléments que l’on retrouve aussi dans la toponymie picarde de Maulers, dans l’Oise, ou Boufflers, dans la Somme… Quant au premier élément il peut être dérivé du latin magnos, signifiant « grands » d’où « les grandes terres »… ou encore représenter le nom d’un homme germanique dénommé Magino, assez fréquent comme premier élément des noms de villages dans la partie nord de la France, comme Magnicourt-sur-Canche dans le Pas-de-Calais ou Manville, en Moselle…d’où le sens suivant « la lande ou la clairière de Magino ». Dans l’attente de manuscrits carolingiens qui restent à découvrir et qui permettraient d’en savoir plus, les deux significations du nom de Maignelay sont possibles.

 

MONTIGNY, en revanche est non seulement connu dès le VIIIème siècle, c’est-à-dire que ce nom est de 5 à 600 ans plus ancien que celui de Maignelay mais, tout comme celui de Méry dans le canton de Maignelay, ces deux toponymes d’origine latine révèlent l’existence d’un établissement agricole ancien ou d’une villa gallo-romaine. Il existe en effet dans nos archives de nombreuses mentions de l’existence de Montigny depuis le VIIIème siècle, sans confusion possible avec les quatre Montigny existant dans l’Oise ou les centaines d’autres Montigny à travers la France, contrairement à Maignelay dont le nom est unique !

 

La graphie de Montigny a également évolué à travers les siècles. On trouve la première mention du nom de Montigny dans un testament de 766 par lequel l’Abbé de Corbie donnait tous ses biens à l’Abbaye de Saint-Denis… dont, notamment « Tertiniago (Tartigny), Montigniago (Montigny), Galneas (Gannes) »… Puis le nom de Montigny va se transformer en Monteigny en 1150, Montignagus en 1237 et enfin en Montigny dès 1273.

 

Mais quelle explication étymologique proposer au nom de Montigny ? Certains pensent que ce nom, dérivé du latin Montinicus, « ne désignerait pas forcément » et pour cause « une haute montagne mais peut-être une petite montée », une côte !…Cependant, quand on connaît la topographie des lieux où il n’existe aucune élévation, cette explication est assez peu vraisemblable puisque le village de Montigny s’étire en descendant doucement vers une vallée sèche, amorce de la vallée de l’Aronde, et cet ancien village se situait presque entièrement en contrebas de Maignelay qui, lui, était fortifié.

 

L’explication la plus plausible est celle du toponymiste Georges Massot[1]… « Aucun doute possible dit-il, il s’agit d’une ancienne ferme en-(i)acum dont le premier élément est généralement le nom du propriétaire, en l’occurrence un homme gallo-romain conjectural appelé Montanius, augmenté du suffixe connu « acum », soit Montiniacum, le domaine de Montinius ».

 

En conclusion, le toponymiste résume donc ainsi la situation. S’agissant de « Maignelay, si son nom est unique en France, en revanche il est beaucoup moins ancien que celui de Montigny. Il s’est formé dans la seconde moitié du premier millénaire, à la différence de Montigny dont on connaît l’existence six cents plus tôt, dès le VIIIème siècle

 

Malgré tout Maignelay, outre ses prestigieuses lettres de noblesse dues au siège d’une forteresse puis d’un duché-pairie, présente portant aussi d’honorables lettres d’ancienneté !... Toutefois sa graphie correcte devrait être plutôt celle de Maignelers ! »

 

Quant à Montigny ce village si ancien, il s’était aussi appelé dans le passé « Montigny-en-Beauvaisis » ou « Montigny-en-chaussée » du fait de l’existence d’une voie romaine. Et, à la fin du XVIIIème siècle, la commune de Montigny fut douloureusement séparée de Maignelay pour être rattachée, quelque temps après la Révolution, au canton de Saint-Just. Mais Montigny refera partie du canton de Maignelay, à partir des années 1830, et les deux anciens villages fusionneront en 1971.



[1] Georges Massot, originaire de l’Ardèche, est l’auteur, dans sa plus grande partie, de cette étude toponymique effectué à la demande de la Société historique de Maignelay-Montigny. Ancien professeur de lettres à Aubenas, en Ardèche, Georges Massot est actuellement l’un des spécialistes reconnus de la toponymie de la région Rhône-Alpes et l’auteur de nombreux articles et ouvrages sur l’Occitan, son histoire, sa littérature. Il était heureux de pouvoir appliquer ses méthodes d’analyse étymologiques aux différents toponymes de chez nous, d’autant que son épouse est d’ascendance picarde, dont les ancêtres sont enterrés à Maignelay.